PRESENTATION
La construction de cet instrument est atypique car il s’agit d’un orgue privé construit pour une maison par un facteur qui exerçait aussi une autre activité.
L’instrument est de type classique français avec quelques apports plutôt germaniques. Il comporte 21 jeux sur quatre claviers manuels et pédalier. Les buffets de Grand-orgue et de positif, ainsi que les sept sommiers sont en chêne. Les claviers sont axés en queue, plaqués en os avec les feintes en ébène. Le pédalier est à l’allemande. La mécanique est suspendue, directe pour le Grand-orgue et le récit, avec des balanciers pour l’écho et le positif de dos. Les sommiers de pédale sont placés derrière le grand buffet. La soufflerie comporte un grand soufflet cunéiforme à six plis, servant de réservoir. La tuyauterie est en étain 70% pour les principaux et les anches, et en étoffe pour les bourdons et flûtes. Tous les tuyaux de bois sont en chêne. La division des sommiers, et les tailles de la plupart des jeux sont établies d’après Dom Bedos. Le tempérament est celui de Tartini-Vallotti et le diapason à 440. |
COMPOSITION
I. POSITIF DE DOS
56 notes Bourdon 8 Montre 4 Nazard 2 2/3 Doublette-Tierce Cromorne 8 |
II. GRAND ORGUE
56 notes Montre 8 Prestant 4 Quinte 2 2/3 Doublette 2 Tierce 1 3/5 Plein Jeu III Trompette 8 |
III. ECHO
56 notes Bourdon 8 Flûte 4 Quarte 2 Voix humaine 8 |
IV. RECIT
32 notes Bourdon 8 Prestant 4 Cornet III |
PEDALE
27 notes Flûte 8 Posaune 16 |
ACCESSOIRES
Tirasse G.O. Accouplements (à tiroir) II/I et III/II Tremblant doux général Rossignol |
CHRONOLOGIE
L’histoire d’un orgue, généralement écrite après sa restauration, raconte souvent les péripéties de l’instrument au cours d’un, deux ou trois siècles de son existence. Ici, il s’agit d’un orgue neuf : on ne peut donc en faire l’historique, même si sa construction, étalée sur près de vingt années, tributaire de mon temps disponible et de l’évolution de mes connaissances, a un peu rencontré les aléas de la vie d’un orgue ancien : remaniements de composition, déplacement, changements dans la tuyauterie, modifications des éléments décoratifs, etc…
Très intéressé par l’orgue et sa facture depuis l’âge de quinze ans, j’ai toujours voulu construire un orgue de mes propres mains, suivant en cela une certaine tradition familiale de facteurs d’orgues amateurs…
Mon premier instrument était surtout un orgue d’apprentissage, témoin de mes lacunes : sommiers à la division des claviers, donc postages envahissants, claviers et soupapes d’harmonium, quatre jeux de tuyaux hétéroclites de par les tailles et les matériaux, tuyaux que j’avais fabriqués en cuivre, en zinc et en bois.
Impressionné à vie par la découverte des planches de « l’Art du Facteur d’Orgue » de Dom Bedos, j’accumule avec frénésie visites d’orgues en construction et visites chez des facteurs. La découverte, au début des années soixante de l’orgue de Souvigny, fut peut-être à l’origine de mon goût pour l’orgue classique français.
Il faut dire que ma curiosité d’adolescent était à la mesure de mon isolement et de mon ignorance : je ne disposais d’aucune documentation, avant de pouvoir enfin me procurer le traité de Dom Bedos, puis la magnifique série « Orgues Historiques », disques avec notices techniques édités par Harmonia Mundi en 1963.
Après mes études à Lyon, qui n’avaient rien de musical, la passion toujours latente de la facture d’orgue me pousse à concevoir un autre instrument. En 1974, mon père entreprend la construction de son orgue à Ugine : occasion pour nous de réfléchir, d’apprendre, de provoquer des échanges de vues à la fois avec émulation, complicité et un certain sens de la dérision, car nous sentions bien que nous étions loin d’être des facteurs d’orgues accomplis !
En 1981, je décide de construire un orgue en suivant les indications du traité de Dom Bedos : j’y ai puisé tout ce qui concerne les tailles des tuyaux, les règles des sommiers, les tracés de mécanique. En 1982, alors que nous achetons la maison de la rue de Bel-Air, je termine les plans définitifs, sauf pour ce qui concerne le positif de dos et la pédale indépendante qui seront installés plus tard. Un premier sommier est installé dans le soubassement de l’orgue, avec quatre jeux et un pédalier en tirasse, ce qui permettait de jouer l’instrument.
Je construis les sommiers du grand orgue en 1984, suivront ceux du récit, de la pédale, puis du positif de dos.
En 1992, une première inauguration de l’orgue doté de 16 jeux sur trois claviers et pédale indépendante, par mes amis Viviane Loriaut, Pierre Perdigon et Michel Chapuis, marque une pause (de courte durée) dans la construction. Cette fête inaugurait en réalité l’aboutissement d’une phase essentielle, celle de l’harmonisation de l’ensemble existant, avec l’aide et les précieux conseils de Pascal Quoirin.
Peu de temps après, je me remets à l’ouvrage pour la mécanique, la tuyauterie et l’harmonie du positif de dos, la soufflerie cunéiforme, et enfin je refais un nouveau bloc de quatre claviers.
L’instrument a maintenant trouvé sa composition finale, qui comporte 21 jeux. Il a déjà acquis une certaine patine, une légère poussière dans la tuyauterie commence à faire son effet d’unification.
Il est utilisé régulièrement depuis 1994, dans le cadre des Rencontres Artistiques de Bel-Air, (association créée en 1994), pour des récitals, des cours d’interprétation, d’improvisation ou pour le Bel-Air Claviers festival.
En 2018, l'orgue va nécessiter un relevage, la poussière commençant à perturber l'accord général de l'instrument.
Parallèlement, je décide de remplacer le basson de 16 de pédale, acoustique, par un posaune en 16 pieds de longueur réelle, en copie d'un posaune de Arp Schniger. Il est construit en bois, résonateurs et noyaux, sauf la dernière octave, en étain. Je change également le nazard du positif. Les bouches de la montre du grand-orgue sont baissées, après avoir scié et ressoudé les tuyaux au dessus du biseau.
Au cours du relevage, tous les tuyaux sont démontés, nettoyés, les sommiers de grand-orgue et de pédale sont dotés de rondelles de casimir au niveau de l'enchapage, pour une meilleure tenue de l'accord. Après réharmonisation de la montre et égalisation, celui-ci est repris entièrement, avec l'adoption d'un nouveau tempérament, celui de Marbourg, modifié pour avoir trois tierces pures sur do-mi, ré-fa dièze et sol-si. L'orgue a ainsi retrouvé plus d'éclat, mais aussi de douceur grâce au tempérament et à la justesse de l'ensemble.
Un concert d'inauguration est donné par Thibaut Duret en décembre 2019.